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Actualatina
19 avril 2013

VENEZUELA - Le pays en pleine crise politique et sociale

Les élections présidentielles du 14 avril dernier ont abouti à une très courte victoire du candidat chaviste Nicolas Maduro (50,78% des voix contre 48,95%) contestée par son adversaire Henrique Capriles Radonski qui demande un recomptage des voix. Des violences graves s’en sont suivies, provoquant la mort de 7 personnes, en blessant 61 autres. Une situation actuelle extrêmement délicate, qui pose d’importantes questions de gouvernance pour les années qui suivent.

 « Une victoire à la Pyrrhus ». C’est ainsi que certains médias et même partisans de Maduro ont qualifié le résultat des urnes. Car il s’agit bien d’une victoire au goût amer, jamais une élection présidentielle n’ayant été aussi serrée depuis 14 ans, alors que la situation suite au décès de Hugo Chavez semblait largement favorable à l’élection de son successeur désigné.  En octobre 2012, « El Commandante » avait été réélu avec 56% des voix pour un nouveau mandat, et suite à l’impact émotionnel considérable provoqué par son décès, le camp chaviste avait toutes les raisons de croire qu’il remporterait une victoire confortable cinq semaines plus tard. Les sondages le confirmaient, donnant Maduro gagnant avec plus de dix points d’avance.

Le soir de la victoire, certains cadres du PSUV [Partido socialista unido de Venezuela, ndlr] tels que Diosdado Cabello ont donc logiquement appelé à un examen de conscience afin de comprendre pourquoi 685 794 voix en faveur d’Hugo Chavez en octobre 2013 sont passées du côté de Henrique Capriles le 14 avril. La première raison, sur laquelle l’opposition n’a pas manqué d’insister pendant la campagne, est l’évident manque de charisme du nouveau leader chaviste par rapport à son mentor. Le génie politique de Chavez, surnommé le « charmeur de masses » par certains auteurs, avait cette capacité à susciter l’adhésion de son auditoire par la maîtrise de tous outils de la rhétorique. Il avait aussi réussi à se faire une place dans l’imaginaire sacré du pays, lui conférant cet aura qui, au-delà des idées, lui donnait un caractère irremplaçable.

Une campagne express

L’occasion était trop belle pour Capriles. Débarrassé d’un adversaire redoutable qu’il avait même surnommé le « Cassius Clay de la politique », le gouverneur de l’état de Miranda a tenté de renvoyer le nouveau leader dans la catégorie « poids plumes », martelant que « Nicolas n’est pas Chavez ». Les vénézuéliens et les observateurs internationaux ont assisté à une campagne particulièrement virulente, dominée par l’émotion. Les candidats n’ayant qu’une douzaine de jours pour convaincre, il s’agissait d’aller droit au but, de viser l’affect plus que l’intellect. Ainsi, Maduro s’est emparé de « l’esprit du Commandante Chavez »  pendant que son adversaire tentait de contrattaquer par de nombreuses références à sa foi chrétienne, une religion fortement ancrée dans le pays.

Jusqu’ici, rien de nouveau. Le Venezuela, comme d’autres pays d’Amérique latine, se caractérise par un syncrétisme religieux bien installé dans les mentalités, mélangeant religion chrétienne, superstitions et croyances animistes. Chavez a d’ailleurs largement labouré le champ de la spiritualité tout au long de sa vie politique, créant des liens imaginaires entre Bolivar et lui-même, entre l’indépendance du pays et le présent  (voir article du 8 mars).

Un certain changement mérite toutefois d’être relevé dans la stratégie de communication de Capriles qui semble de plus en plus s’inspirer… de Chavez.  La diabolisation acharnée de l’opposition était un attribut de Chavez repris par Maduro, mais Capriles a également surpris durant cette campagne par ses propos particulièrement méprisants à l’égard de son adversaire direct qui a débuté comme chauffeur de bus et qu’il qualifie de « minable » et  « d’incapable ». La forme du discours de Capriles s’apparente aussi désormais à celle de son ancienne bête noire,  et il tente de reconquérir un électorat populaire en multipliant les références au « pueblo », notamment dans ses très nombreux tweets. Son équipe de campagne s’appelle le « Commando Simon Bolivar », et il porte fièrement, en plus de sa casquette et parfois d’un survêtement aux couleurs du pays, le maillot de la « vino tinto », l’équipe nationale de football. Le football serait plutôt le sport de la classe moyenne au Venezuela, contrairement au baseball, plus populaire, mais l’idée est bien de tenter une réappropriation de symboles populistes, quitte à piocher dans des références traditionnellement rattachées au chavisme.

Un résultat contesté…

Trop près du but pour accepter l’échec. C’est peut-être ce qu’a pensé Henrique Capriles en apprenant le résultat des élections. Seulement 262 473 voix séparent les deux candidats, une poignée de bulletins qui condamne l’opposition à 6 ans d’attente supplémentaire avant d’avoir une nouvelle chance de remporter la présidentielle. D’ici là, les élections municipales et législatives, mais également la possibilité d’un référendum révocatoire en 2016 (dont la convocation requiert la signature de 20% du corps électoral) seront autant d’opportunités pour l’opposition de récupérer un peu du pouvoir pour l’instant en grande partie entre les mains des chavistes.

Mais seulement voilà, Henrique Capriles refuse de reconnaître la victoire de son rival. Dénonçant des irrégularités dans le scrutin et des votes non pris en compte, il demande au Conseil national électoral (CNE) de procéder à un recomptage à la main (et non en s’appuyant sur les machines de vote) de 100% des suffrages exprimés. Ces accusations sont-elles fondées ? Aucune preuve concrète n’a pour l’instant été rendue publique, ni de la part de Capriles, ni de celle des observateurs internationaux. Toutefois, des dysfonctionnements au sein du CNE (entièrement chaviste à une exception près) ne sont pas à exclure, et ce dernier, tout comme Nicolas Maduro, aurait tout intérêt à accéder à la demande de Capriles afin d’écarter les soupçons dont il fait l’objet, et assoir la légitimité du candidat élu.

…qui annonce une forte instabilité dans le pays

En attendant, il reste sans doute un peu excessif d’attribuer la responsabilité des violences de ces derniers jours à l’un ou l’autre des candidats qui, par ailleurs, continuent de s’accuser mutuellement de « fasciste » et « d’illégitime », tout en appelant leurs partisans à ne pas tomber dans le piège des provocations du camps adverse…

Au-delà de la crise actuelle et de son issue, ce sont ses conséquences à moyen terme qui suscitent bien des interrogations. La polarisation politique s’est accentuée encore davantage, en intensité (des affrontements aussi violents n’avaient pas été observés depuis la tentative de coup d’Etat de 2002), et en quantité (désormais, le corps électoral est divisé en deux parties quasiment équivalentes). Pourtant, difficile d’imaginer un Maduro prêt à dévier de sa ligne politique et à tendre la main à l’opposition. Comme durant la campagne, le « fantôme de Hugo Chavez » continuera de planer sur la politique du pays, le gouvernement pouvant puiser à souhait dans « le respect de l’héritage du Commandante »  pour légitimer ses réformes et tenter de conserver l’unité du chavisme.  

Incapables de dialoguer entre eux, les deux camps devraient continuer à s’affronter, avec un vrai risque que la situation dégénère. 

Victor Abécassis

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