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Actualatina
6 décembre 2014

Climat : pourquoi la COP20 de Lima a-t-elle également toute son importance ?

La grande conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre 2015 est certainement l'évènement le plus important des négociations climatiques internationales depuis le premier Sommet de la terre de Rio en 1992. Les chefs d'Etat et de gouvernement des 196 Etats membres de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, seront réunis pour discuter sérieusement d'un accord universel à caractère contraignant. Plus de 25 ans après la publication du rapport Brundtland, le développement durable de nos sociétés est devenu non plus seulement une nécessité, mais un impératif.

S'il s'agit d'un sommet crucial, la COP21 n'est que l'étape ultime d'un processus de négociation qui a déjà débuté et auquel il convient de rester très attentif. Lors de la Conférence de Varsovie en 2013 les observateurs avaient pointé le manque de préparation pour expliquer l'échec des négociations. Le succès de la COP21 dépendra donc aussi de celui de la COP20.

Le choix du Pérou pour accueillir cette conférence internationale sur le climat n'est sans doute pas anodin. Troisième pays d'Amérique latine à accueillir une conférence internationale sur le climat, le Pérou est particulièrement exposé aux effets du changement climatique : 71% des glaciers tropicaux y sont présents, et pourraient disparaître d'ici 25 ans. 90% de la population vit dans un climat aride ou semi-aride, où la fréquence des périodes de sécheresse tend à augmenter et l'approvisionnement en eau douce peine à répondre à la demande des grandes métropoles en pleine extension (Lima compte 10 millions d'habitants). En outre, La montée du niveau de la mer et le phénomène d'acidification des eaux constituent un problème majeur pour l'économie et la société péruvienne.

La politique libérale menée par le Président Ollanta Humala a ouvert l'économie du pays aux investisseurs privés et cédé de nombreuses concessions dans les domaines de l'énergie et des mines. Si le pays dispose d'une des économies les plus dynamiques dans la région, avec une croissance d'environ 6% sur les 10 dernières années, la pauvreté continue de toucher 36,1% de la population et les conflits sociaux-environnementaux perdurent. Ainsi, l'observatoire public des conflits sociaux recensait en août 205 conflits dont 132 liés à l'extraction de minerais et d'hydrocarbures.

Le pays a pris des mesures pour limiter les atteintes à l'environnement, notamment en luttant contre le fléau des mines d'or illégales qui ravage la région amazonienne de Madre de Dios. Mais ses choix politiques incarnent un modèle de développement « extractiviste » dans lequel l'exploitation des ressources naturelles est une priorité menée au détriment des écosystèmes et des populations autochtones. Une loi promulguée en juillet prévoit l'assouplissement des normes et des sanctions environnementales, ainsi qu'une perte significative des prérogatives du Ministère de l'environnement. Le gouvernement justifie cette réforme par les lourdeurs administratives susceptibles de bloquer l'investissement privé, mais les associations de protection de l'environnement parlent d'un très mauvais signal pour la crédibilité du Pérou à l'approche de la COP20.

D'une certaine manière, le Pérou incarne cette ambivalence des pays en développement qui aspirent légitimement à la prospérité mais où la perspective d'un profit immédiat promis par un prix élevé des matières premières se heurte à l'hostilité des populations locales et à la nécessité de préserver les écosystèmes. Concilier les impératifs économiques, sociaux et environnementaux demande peut-être de renoncer à certains projets d'extraction, et d'investir massivement pour diversifier le secteur productif et s'adapter aux besoins d'un modèle sobre en émission de CO2. Le fonds vert, décidé lors de la conférence de Copenhague en 2009, prend alors tout son sens. Au nom du principe de responsabilité commune mais différenciée, les pays les plus développés se sont engagés à mettre en place un fonds doté de 100 milliards d'euros par an à partir de 2020, afin de financer des projets d'adaptation au changement climatique dans les pays en développement. Le respect de cet engagement, loin d'être garanti pour le moment, est, pour le Pérou comme pour ses voisins régionaux, une condition sine qua non de la réussite des négociations.

Ollanta Humala avait bénéficié lors de son élection du soutien des populations contestataires vis-à-vis des activités minières dans les Andes et l'Amazonie. Il a été l'un des premiers chefs d'Etat en Amérique latine à défendre l'idée de démocratie environnementale, conformément au principe n°10 de la déclaration de Rio sur l'environnement. Ce dernier prévoit « d'assurer la participation de tous les citoyens » sur les questions environnementales et de donner aux citoyens « la possibilité de participer au processus de prise de décision ».

Des initiatives concrètes ont ainsi été lancées pour créer des espaces de dialogue entre tous les acteurs, sensibiliser les citoyens aux enjeux climatiques et les inciter à modifier leurs habitudes de consommation. C'est le cas de la plateforme en ligne pondetuparte et de l'espace d'échange et d'exposition voces por el clima qui sera mis en place à l'occasion de la COP20. Ouvert au public, il accueillera notamment des représentants de la de la société civile et abordera cinq thèmes principaux : forets, eau et montagnes, océans, villes soutenables, énergies.

Si les négociations officielles se dérouleront dans le cadre restreint des Nations Unies, les citoyens ont ainsi la possibilité et les capacités de faire entendre leur voix. Il s'agit d'un levier indispensable pour que la diplomatie ne soit pas l'affaire d'une poignée de dirigeants mais un vecteur de décisions reflétant l'opinion et les intérêts des citoyens représentés. Des mobilisations massives à l'approche des grands rendez-vous permettent ainsi de rappeler à quel point nos attentes sont fortes, et d'imposer une obligation de résultats à nos dirigeants.

Victor Abécassis

Article initialement publié sur http://www.huffingtonpost.fr/victor-abecassis/climat-cop21-perou_b_5842038.html 

 

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