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Actualatina
6 novembre 2011

ARGENTINE - Le « Cristinazo » de la dame en noir, commenté par la presse française

Suite au premier tour des élections présidentielles argentines remportées pour la seconde fois dimanche 23 octobre par Cristina Fernández de Kirchner, quelques médias français se sont fait l'écho de ce raz-de-marée kirchnériste. Élue à 53,42% des suffrages dès le premier tour, « la reina Cristina » était considérée comme la grande favorite de ce scrutin avec 50% des voix obtenues lors de primaires organisées en août 2011, et ouvertes pour la première fois à tous les citoyens argentins. Loin derrière, ses principaux concurrents ne peuvent s'enorgueillir de tels scores : 17,18 % pour le socialiste Hermes Binner et 11,43 % pour le radical Ricardo Alfonsín. À la tête d'une coalition d'obédience péroniste progressiste Frente para la victoria, la présidente sortante devait obtenir soit plus de 45% des voix, soit plus de 40% avec une avance de plus de 10 points sur son rival pour être élue au premier tour.

Veuve de l'ex-président de la République et ancien secrétaire général de l'UNASUR Nestor Kirchner, décédé le 27 octobre 2010 à la suite d'une crise cardiaque, « CFK » n'a pas hésité durant sa campagne à réutiliser l'image charismatique de son défunt mari et principal conseiller politique lors de clips vidéos promotionnels comme aime à le rappeler le site de France24. Le « deuil comme arme politique » souligne Le Figaro, ou comment faire campagne par l'affect. Le Monde dans un album-photos publié sur son site met en lumière le parcours politique de la « reina Cristina » au regard de la carrière de Nestor Kirchner. « Cette campagne savamment orchestrée a touché la corde sensible des Argentins : ils ont ainsi l’impression que l’embellissement économique est lié au couple Kirchner » souligne le quotidien.

L'Express parle « d'association politico-amoureuse ». La volonté d'entretenir le mythe d'Evita et Juan Domingo Perón est claire. Lors de son entretien auprès de RFI, Geraldo Sanchis Muñoz, Argentin diplômé de l'ENA, rappelle que Cristina porte le nom du leader, « quelque chose de très important comme on a pu le voir avec Evita Perón  […] Le nom c'est un facteur qui sert à unir un mouvement politique qui n'est pas un parti démocratique conventionnel ».  Les scores remportés dès le premier tour par celle que l'on surnomme la « viuda » (la « veuve ») ne sont pas sans rappeler les 62% des suffrages remportés par Perón en 1962. Certains medias vont jusqu'à comparer les postures des deux ex-Premières dames. Selon L'Express, « Cristina a hérité, inconsciemment ou non, de la gestuelle et du phrasé, plein de self-control et de détermination, de son illustre aînée ». Le « système K », à l'image du péronisme, a permis de développer des ramifications dans la politique, les tribunaux, les syndicats, les milieux d'entreprises relève L'hebdo, reprenant les propos du journal d'opposition Clarín.

La Voix du Nord, une des rares rédactions régionales à se faire l'écho des élections argentines, revient brièvement sur l'électorat kirchnériste. Les classes populaires, électorat traditionnellement péroniste, semblaient lui être acquises, mais aussi une bonne partie des classes moyennes, voire des cadres supérieurs misant sur la stabilité économique. « Kirchner a fait la paix avec les classes moyennes » selon Le Figaro, « effrayées » par le conflit opposant  son mari aux agriculteurs en 2008. Le quotidien omet de rappeler les difficultés rencontrées par Cristina Kirchner face à ces mêmes agriculteurs furieux de la hausse des taxes sur le soja et le tournesol (ressources majeures du pays). De surcroît, afin de rembourser la dette nationale, Cristina n'avait pas hésité lors de son premier mandat à puiser dans les réserves de la Banque centrale, ce qui lui avait valu de perdre la majorité au Sénat et donc au Congrès, majorité absolue désormais retrouvée.

Grâce à sa politique interventionniste, l'Argentine bénéficie d'un climat économique favorable, notamment d'un taux de croissance autour de 8%, d'une consommation en augmentation de 4% par an, d'un taux de pauvreté ramené à 11% (contre 45% en 2002), d'un taux de chômage d'à peine 7% (son plus bas niveau depuis 20 ans). Le Monde Diplomatique souligne néanmoins que le mécontentement parmi les mouvements des chômeurs reste grandissant, les prix restant en hausse « dopés par une inflation que les estimations non officielles placent à 25% ». Reconnaissant les avancées en matière sociale qui ont permis à Cristina d'asseoir sa popularité : « renationalisation des retraites, réforme de la loi sur les faillites d'entreprises, loi contre la concentration des médias, mariage des couples homosexuels », l'article conclut par une critique sévère du pouvoir accusé de servir les intérêts des multinationales accaparant les richesses du pays.

Cette critique n'est pas la seule à entacher le triomphe de la « dame en noir ». Le Monde conclut sur un bilan « plutôt positif » de huit années au pouvoir, « si l'on exclut les accusions de clientélisme et de corruption ». France 24 propose un documentaire vidéo commentant la stratégie clientéliste dans la campagne présidentielle, et notamment du rôle des « punteros » chargés de mobiliser les classes populaires lors des meetings en échange de biens alimentaires. [Laurent Bonelli a publié un article en juin 2010 sur la « mécanique clientéliste  en Argentine » disponible sur le site du Monde diplomatique].

Une partie de la popularité de la Chef d'État est à porter au crédit du programme « Football pour tous » relève France 24. « Lors d'une décision jugée populiste par ses détracteurs, l'administration Kirchner a obligé la Fédération argentine de football à mettre un terme à l'accord passé avec le principal média du pays pour diffuser tous les matchs sur une chaine publique ». Cristina a su s'entourer de Diego Maradona, l'enfant des quartiers populaires de Lanús, pour mettre en œuvre cette campagne. Mauricio Macri largement réélu maire de Buenos Aires cette année n'avait-il pas soulevé l'engouement de l'électorat populaire après son succès en tant que président du Club Atlético Boca Juniors ?

Pour conclure, on notera la qualité d'analyse de L'Express qui explique la popularité de Cristina, « obsédée par son apparence », auprès des classes moyennes  par sa « manucure toujours impeccable ». « Une obsession typique, en Argentine, de la classe moyenne à laquelle elle appartient. Et le pays garde les yeux rivés sur elle ».

SD

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